CSG-CRDS : la fin d'un imbroglio juridique ?

Vendredi 23 Novembre 2018

CSG-CRDS : la fin d'un imbroglio juridique ?

La question lancinante, depuis plusieurs années de la CSG/CRDS sur les revenus du patrimoine et les produits de placement sera résolue pour les français résidant à l'étranger affiliés à un régime de sécurité sociale dans l'UE ou en Suisse dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Un amendement adopté par l'Assemblée nationale y associe les frontaliers, mais dans une certaine mesure.

Nous avons été reçus par le Conseiller budgétaire d'Agnès Buzyn, Ministre des solidarités et de la santé, afin de clarifier la situation de nos frontaliers.

Rappel de la problématique

Pour mémoire, grâce à l'action du GTE devant la Cour de justice de l'Union européenne, qui a donné lieu à une décision de la Cour le 15/02/2000, les frontaliers en activité et les mono-pensionnés d'un droit exclusivement suisse ne sont pas soumis à la CSG/CRDS sur les revenus d'activité et de remplacement perçus en Suisse. Les autorités françaises ont une toute autre analyse concernant ces mêmes contributions sur les revenus du patrimoine et les produits de placement qui sont assises et recouvrées comme en matière d'impôt sur le revenu.

Cette position a nourri un contentieux de masse au niveau des juridictions françaises. Saisi d'une question préjudicielle par le Conseil d’Etat, la Cour de justice de l'UE (CJUE), dans son arrêt De Ruyter du 15 février 2015, venait confirmer sa position de 2000 en précisant que les personnes relevant d'un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre ou suisse ne pouvaient pas être affiliées à deux systèmes de sécurité sociale

Tirant enfin les conséquences des décisions de la Cour de justice et des juridictions françaises, le PLFSS pour 2019  prévoit l'exonération de ces contributions pour les personnes qui cumulent les deux conditions suivantes : être résidents fiscaux hors de France et affiliées à un régime de sécurité sociale d'un Etat membre de l'UE ou Suisse. Le projet d'origine ne concerne donc que les expatriés. Au cours des discussions, un amendement a été adopté pour tenir compte, dans une certaine mesure, de la situation des frontaliers qui, eux, sont résidents fiscaux en France.

 

Un contentieux de masse toujours en cours

Le 27 juillet 2015, le Conseil d'Etat s'alignait sur la décision de la CJUE, ce qui conduisit un grand nombre de contribuables ayant supporté les prélèvements à en demander le remboursement.

Dès le mois de septembre 2015, le GTE mettait en place un service dédié pour accompagner ses membres dans les demandes de remboursements des prélèvements au titre des revenus perçus à partir de 2012. L'administration fiscale française n'a cependant pas tenu compte de l'arrêt de la CJUE dans son entier dans le mesure où, d'une part, elle n'a pas restitué le prélèvement de solidarité de 2% et que, d'autre part, elle a pratiqué des dégrèvements différents en fonction du choix de l'assurance maladie des frontaliers, incitant les personnes concernées à multiplier les actions devant les tribunaux.

Pour couronner le tout, dès 2016, le législateur français a souhaité couper tout lien entre les prélèvements sur les revenus du capital et le système de sécurité sociale français. Ainsi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 a modifié l'affectation budgétaire des prélèvements sociaux sur ces revenus. Le législateur a considéré que ne relevaient du système de sécurité sociale que les prestations directement financées par les cotisations versées par les assurés. Il a donc été décidé de ne plus affecter le produit des prélèvements sur le capital à des organismes chargés de verser les prestations.

Ainsi, la CSG est dorénavant affectée au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), la CRDS est affectée à la CADES, le prélèvement social est affecté au FSV et à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), la contribution de 0.3% est affectée à la CNSA et le prélèvement de solidarité au FSV. Le montant total de ces prélèvements est actuellement de 17.20%.

 

Nos actions au niveau collectif

En décembre 2015, nous avons déposé une plainte contre la France devant la Commission de l'UE à deux niveaux.

Pour les dossiers qui ont fait l'objet d'un dégrèvement partiel : nous sollicitons la Commission de façon à ce que les frontaliers concernés obtiennent un dégrèvement identique, quel que soit l'option choisie en matière d'assurance maladie. Dans notre rapport, nous démontrons que l'option en faveur de l'assurance maladie française ne rompt pas le principe communautaire d'unicité de la législation applicable, le droit d'option étant prévu par le Règlement communautaire de sécurité sociale.

Pour les modifications législatives à partir du 1er janvier 2016 (permettant à nouveau aux autorités françaises de prélever la CSG/CRDS sur les revenus du capital des frontaliers) : le législateur estime que la nouvelle affectation donnée à ces prélèvements ne présente pas de lien direct et suffisamment pertinent avec les régimes d'assurance maladie et de vieillesse puisque les organismes concernés (CADES, FSV, CNSA) ne versent pas de prestations. Nous référant à l'arrêt de la Cour dans l'affaire De Ruyter, nous estimons que le dispositif actuel n'est pas conforme au droit de l'UE dans la mesure où l'existence ou l'absence de contrepartie aux prélèvements sociaux est indifférente pour le juge. Ainsi, quelles que soient les nouvelles affectations, nous démontrons devant la Commission que ces prélèvements pressentent toujours un lien direct et suffisamment pertinent avec les régimes relevant du champ d'application du règlement de sécurité sociale.

Suite à la plainte contre l'Etat français, une procédure d'infraction a été engagée contre la France par la Commission de l'UE. Nous restons dans l'attente d’une décision formelle sur la compatibilité de la législation française avec le droit de l'UE.

En décembre 2017 et mai 2018 nous avons, successivement, rencontré Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances et Gérard Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes Publics afin de plaider la cause des frontaliers contraints de financer un régime de sécurité sociale auprès duquel ils ne sont pas affiliés.

Dans le cadre des discussions actuelles du PLFSS, un amendement a été adopté. Celui-ci fait disparaître la notion de "résidents à l'étrangers" mais introduit celle de "l'affiliation à l'assurance maladie de la législation d'un autre Etat". Une lecture stricte de cet amendement laisse à penser que les frontaliers pourraient être traités différemment selon qu'ils aient opté pour l'assurance maladie suisse ou française ce qui, d'un point de vue juridique, n'est pas soutenable.

Nous avons donc été reçus par le conseiller budgétaire de la ministre, sur la question du sort réservé aux frontaliers assurés à l'assurance maladie française (CMU frontalier). Sur ce point, précis le ministère n'a pas pu nous apporter de réponse définitive dans l'immédiat. Dans la foulée, nous avons donc saisi nos parlementaires en vue de déposer un amendement modificatif faisant référence aux personnes affiliées à la législation d'un autre Etat membre, ce qui est bien le cas des frontaliers, que ceux-ci soient affiliés à la LAMal ou à la CMU, comme l'a encore rappelé la Cour de cassation dans son arrêt du 15 mars 2015 concernant la condamnation des institutions françaises suite à la double affiliation LAMal et CMU de certains frontaliers.

En fonction du vote définitif du texte, se posera la question des actions à entreprendre pour les demandes de dégrèvements des contributions CSG/CRDS réglées sur les revenus du patrimoine et des produits de placement depuis 2016.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la suite de ce dossier.

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