Les Genevois ont voté, à plus de 58%, pour salaire minimum à 23 francs lors de la votation du 27 septembre. Aujourd’hui, la question de l’application concrète de la loi se pose et les réactions patronales ne se font pas attendre. Le chemin semble encore semé d’embuches, alors que la loi devrait entrer en vigueur au 1er novembre 2020.
Un soulagement et une victoire historique, pour les syndicats et les quelques 30’000 travailleurs concernés par le résultat de la votation cantonale du 27 septembre dernier. Genève devient alors le quatrième canton suisse, après Neuchâtel, le Jura et le Tessin, à se doter d’un tel instrument. Avec 58% des voix en faveur d’un salaire minimum à 23 francs, et 69% refusant l’initiative « de limitation de l’immigration », Genève indique donc sa volonté de protéger les salaires, pas les frontières. Portée par la CGAS (syndicats de Genève) et soutenue par les partis politiques de gauche (PS, Les Verts, Ensemble à Gauche…) mais aussi par le collectif de la grève des femmes, l’initiative sur le salaire minimum aurait dû entrer en vigueur le 17 octobre.
Qui est concerné ?
Selon les statistiques mises en avant par les syndicats, 10% des employés sont au-dessous de ces 23 francs, ce qui représente environ 30’000 personnes, dont deux tiers de femmes salariées. Les principales branches concernées sont les secteurs du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration, de la coiffure, de l’économie domestique et, plus marginalement, du commerce.
Entrée en vigueur prévue en novembre
Il faut à présent rester vigilant sur la mise en pratique du salaire minimum. C’est la mission du conseiller d’État Mauro Poggia, qui a assuré qu’il y avait une volonté politique pour une entrée en vigueur rapide. Après avoir rappelé que le gouvernement n’était pas favorable à l’initiative, le magistrat a évoqué deux risques : celui d’une concurrence des travailleurs étrangers surqualifiés vis-à-vis de candidats résidents peu formés ; puis, celui de l’impact sur les emplois de solidarité, dont le salaire horaire est parfois inférieur aux 23 francs minimums qui viennent d’être fixés.
L’exemple Neuchâtelois
Premier canton à adopter l’initiative, l’expérience neuchâteloise du revenu minimum instauré depuis 2017 n’a en tous les cas pas révélé de conséquences négatives jusque-là, comme le constatent les responsables locaux de l’économie. Une comparaison que réfutent toutefois les milieux patronaux car les deux cantons seraient trop différents. Il existait avant son application des craintes de trois effets pervers : des pertes d’emplois, un nivellement des salaires par le bas et la disparition d’entreprises. Or dans les faits aucun des trois ne s’est produit, bien au contraire, avec un recul du chômage conséquent l’année suivante.
On ne peut toutefois pas en déduire mécaniquement que Genève connaîtra le même sort. Neuchâtel a pu bénéficier de facteurs favorables. Tout d’abord, la période économique était bonne. Ensuite, le nombre de salariés concernés n’était pas trop important (environ 2700 contre 30’000 potentiellement à Genève) et les écarts salariaux à rattraper n’étaient pas trop élevés.
Une mise en œuvre controversée
A la mi-octobre le Conseil de surveillance du marché de l’emploi (CSME) – présidé par Mauro Poggia et composé de représentants de l’État, des employeurs et des travailleurs – s’est réuni afin de discuter des modalités d’application du salaire minimum. La réunion a mis en évidence des divergences d’interprétation de l’initiative. Les syndicats estiment qu’un ajournement ferait économiser plusieurs millions aux employeurs sur le dos des employés, alors que les associations patronales réclament une solution pragmatique. De son côté, l’Union des associations patronales genevoises réclame un report de l’application au 1er janvier 2021. Cette période transitoire est à ses yeux indispensable pour régler les questions encore en suspens, par exemple afin de définir si les employés d’une entreprise située hors du canton mais travaillant en partie à Genève, seront ou non soumis au salaire minimum. Le fin mot est revenu à Mauro Poggia avec une proposition d’entrée en vigueur au 1er novembre. Les syndicats ont finalement accepté, même si, d’après leurs calculs, le cadeau fait au patronat représenterait 7,8 millions de francs avec ce report de deux semaines.
Sources:
- Magazine SIT info (SIT-syndicat.ch) N°5 Oct 2020
- UAPG
- Point presse du conseil d’Etat du 14 oct. 2020
- CGAS
- Site internet de l’initiative 23 francs salaire minimum